Texte d’habitant
A J-4 du premier tour des présidentielles, j’ai donné ma voix à un « chibani ». Entendez par là, une personne âgée issue de l’immigration. Mercredi 19 avril, j’ai participé à une rencontre entre les jeunes qui portent le « Challenge citoyen » et des « chibanis ». Cette rencontre organisée par l’association Calima dont le médiateur habite le Neuhof-Stockfeld, avait pour objectif de proposer aux abstentionnistes qui le souhaitaient de donner leur voix à un « chibani » qui n’a pas le droit de vote.
Au cours de cette belle rencontre, Mustapha ELHAMDANI médiateur à Calima a pris le temps de raconter l’action menée par son association : accès aux droits des personnes issues de l’immigration vivant dans des foyers de travailleurs, faire entendre la voix des cheminots spoliés de leurs droits à la retraite, parcours de vie multiples et singuliers… etc. L’auditoire, composé de jeunes issus de différents quartiers prioritaires de la ville et d’habitants, est attentif. Le débat prend forme, des voix s’élèvent : « même si on pouvait voter, car moi je n’ai pas encore 18 ans, on ne voterait pour aucun de ces candidats… Ils ne font rien pour nous! »… « Pourquoi tu attends qu’on fasse des choses pour toi, c’est à toi de faire des choses, de bouger si tu veux gagner de l’argent et bien vivre »…. » Ca sert à rien de faire des études, y en a ils ont bac plus 5 et ils trouvent pas de travail »… « On te dit pas de faire des études mais de faire quelque chose qui te plaît »… Deux visions s’opposent, des jeunes qui ont tout et veulent tout mais ne se projettent… Des adultes, actifs, qui leurs expliquent qu’avant il n’y avait pas autant de moyens investis sur les quartiers et que pour s’en sortir il fallait travailler énormément…
L’animateur du débat propose de donner la parole aux « chibanis » pour qu’ils racontent leur expérience : « Moi je vis en France depuis 1957 … j’ai vécu d’abord à Paris puis à Strasbourg. Je viens d’Algérie et je gagnais 800 à 1 000 francs ; je payais mes charges (…) et le reste je l’envoyais à mon père pour faire vivre la famille. On vivait bien… la baguette coûtait 20 centimes… Je n’ai jamais pu voter en France car je n’ai pas la nationalité française (…) pourtant Mittérand nous avait promis le droit de vote… »
Afin que tout le monde comprenne la situation de ces « chibanis » Mustapha explique que les algériens et les turcs peuvent voter dans leur pays tout en vivant en France. Ils conservent leur nationalité de leur pays d’origine et leur citoyenneté, c’est-à-dire le droit de vote dans ce cas précis. A contrario, les marocains ne peuvent pas voter dans leur pays d’origine, dès lors qu’ils n’y vivent plus, même s’ils conservent leur nationalité marocaine. Cela signifie que les immigrés issus du Maroc et qui n’ont pas acquis la nationalité française n’ont jamais voté de leur vie… Cette explication est suivi d’un long silence…
Le cadre est posé !
On demande aux abstentionnistes qui souhaitent donner leur voix à un « chibani » de lever la main. Chacun-e se rapproche d’un « chibani »… Commence des discussions à deux, des liens se créent…. « Tu viens d’où ? »… « Attention ! ok pour donner ma voix, mais pas à Marine… »(rire)… » Pas d’inquiétude… mais je ne sais pas pour qui voter ! » … « Vos enfants ont le droit de voter ? » « Oui… mais je ne me suis pas intéressé assez à ces élections car je n’ai pas le droit de vote… » « Ce n’est pas grave… Je vous laisse le temps et vous m’enverrez un sms pour me dire pour qui vous souhaitez voter et je le ferai pour vous ». » Mais pourquoi vous faites cela ? » « J’ai décidé de ne pas voter utile. Je m’explique : aucun des candidats ne répond à mes attentes… il faudrait que je mixe deux ou trois programmes pour que je m’y retrouve… Et hors de question de voter utile, donc j’avais décidé de voter blanc… vote qui n’est pas comptabilisé ! Donc autant que cela serve à quelqu’un…
Nous sommes à J-2 du premier tour et mon « chibani » m’a fait savoir pour qui il souhaitait voter… J’irai dimanche voter pour lui… Merci à Calima, Mustapha et aux jeunes du C.S.C….
